Interview Michel Le Naour

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Le piano en partage

Il aurait pu choisir le rock, mais c’est finalement vers des horizons bien plus classiques qu’il a décidé de voguer. Révélation de l’Adami, lauréat Génération Spedidam et Grand Prix de la Société des Arts de Genève, Tanguy de Williencourt a signé il y peu une superbe intégrale Wagner/Liszt pour Mirare. Après un Dichterliebe très applaudi aux côtés du baryton-basse Florian Hille au Centre de Musique de Chambre de Paris, l’interprète est l’invité des Sommets de Gstaad avec son complice violoncelliste Bruno Philippe, puis de la Folle Journée de Nantes en solo. Rencontre avec un musicien complet, débordant de projets, en solo, en musique de chambre et même du côté de la direction d’orchestre.

Quels ont été vos premiers contacts avec la musique ?

Tanguy DE WILLIENCOURT : Dès l’âge de quatre ans, grâce à mon père mélomane, je me suis entiché de Carmen, La Traviata, La Flûte enchantée que nous écoutions à la maison. Sans que je puisse dire pourquoi, à ma demande, le piano est entré très tôt dans ma vie alors que j’avais à peine sept ans. Il ne m’a plus quitté depuis mes débuts (j’ai même obtenu une récompense au Concours Brin d’Herbe d’Orléans) et m’a conduit, après le Conservatoire de Boulogne-Billancourt jusqu’au CNSMD de Paris dans la classe de Roger Muraro. Un moment, j’ai été tenté par le rock que je pratiquais dans un groupe avec l’espoir de partir aux Etats-Unis, mais le Festival de Bayreuth où je suis rendu durant quatre étés consécutifs à partir de mes vingt ans a été un véritable coup de foudre. La découverte de Tristan et Isolde, des Maîtres Chanteurs puis du Ring m’a ouvert des horizons insoupçonnés jusqu’alors. Ceci explique en grande partie pourquoi mon premier enregistrement soliste (chez Mirare) est consacré à une intégrale des transcriptions de Wagner par Liszt.

Florian Hille et Tanguy de Williencourt © DR

Vous vous êtes formé à l’accompagnement vocal et à la musique de chambre. Comment conjuguez-vous cette activité avec celle de concertiste soliste ?

T. de W. : En entrant au Conservatoire de Paris, j’ai aussi intégré la classe d’accompagnement de Jean-Frédéric Neuburger qui venait d’y être nommé, puis d’Anne Le Bozec une musicienne passionnée et généreuse immensément cultivée. Ceci m’a mis le pied à l’étrier et j’ai été captivé, en dehors du grand répertoire pour clavier, par les grands cycles de lieder de Schumann, de Schubert. Lors de master-classes avec Christoph Prégardien à l’Abbaye de Royaumont, j’ai fait la connaissance du jeune baryton-basse allemand Florian Hille avec lequel nous avons aussitôt entamé une collaboration. Grâce à la programmation du Centre de Musique de Chambre de Paris qu’a créé le violoncelliste Jérôme Pernoo Salle Cortot, nous avons pu mettre à profit notre travail commun comme nous le faisons actuellement dans les Dichterliebe de Schumann. Au printemps je serai au Petit Palais et au Théâtre de l’Athénée avec un autre baryton, Edwin Fardini, pour les Kindertotenlieder de Malher et des Songs de Barber. Cela demande une préparation tout à fait spécifique. La connaissance du texte est essentielle, je m’en imprègne et l’apprends par cœur avant de déchiffrer la musique. Evidemment j’écoute aussi des enregistrements pour me faire une idée. Pour les Dichterliebe, la version de Fischer-Dieskau et de Christoph Eschenbach tient du miracle et l’accompagnement au piano d’un moelleux incomparable fait corps avec le chanteur au service de ses moindres intentions.

Avec Bruno Philippe, pendant l’enregistrement du disque Beethoven – Schubert © Auriane Skybyk

Et la musique de chambre ?

T. de W. : C’est aussi une part importante de ma vie de musicien. A la fin de mes études j’ai suivi l’enseignement de Claire Désert en troisième cycle au Conservatoire, et depuis cette époque je forme un duo avec le violoncelliste Bruno Philippe. Nous avons beaucoup de projets de concerts et des enregistrements en cours après un disque Brahms/Schumann réalisé pour Evidence (1) puis chez Harmonia Mundi avec la Sonate « A Kreutzer » de Beethoven dans l’arrangement pour violoncelle et piano de Czerny et l’« Arpeggione » de Schubert. Il me paraît important d’associer à mon parcours de pianiste ces échanges avec d’autres musiciens de ma génération avec lesquels je me sens en empathie. Cela est aussi le cas pour le trio que Bruno Philippe et moi avons constitué avec le violoniste Pierre Fouchenneret.

© DR

Avez-vous des projets dans le domaine de la direction d’orchestre ?

T. de W. : Dans le cours d’Alain Altinoglu au CNSMD de Paris, j’ai eu la possibilité non seulement de m’initier à la technique de direction d’orchestre mais aussi d’approcher de grands chefs comme Esa Pekka Salonen, inoubliable dans la musique de Sibelius. L’été prochain au Festival d’Aix-en-Provence, je collaborerai en tant qu’assistant et chef de chant à La Flûte enchantée que dirigera Raphaël Pichon. Pour l’instant je n’ai pas encore eu l’occasion de jouer et de diriger en même temps des concertos comme le font avec bonheur François-Frédéric Guy ou François Dumont, mais c’est une voie tout à fait envisageable.

Quels interprètes vous ont particulièrement marqué ?

T.de W. : Très tôt, j’ai écouté les Sonates de Beethoven par Alfred Brendel qui continue de m’impressionner par son acuité, son intelligence et surtout son exactitude dans l’approche de ces œuvres. Ma fréquentation de Paul Badura-Skoda a aussi été déterminante tant par sa connaissance immense du répertoire que par son humanité. Il a eu l’occasion de connaître Edwin Fischer et de jouer avec Furtwängler ; il n’oublie jamais le sens de la mélodie et la poésie, au même titre que Maria João Pires et bien sûr Christoph Eschenbach qui m’ont beaucoup influencé. J’ai aussi de l’admiration pour Daniel Barenboim pianiste mais également pour le chef d’orchestre surtout en live où il fait preuve d’une étonnante capacité de concentration. Sinon je reviens sans cesse à Schnabel, Kempff, Arrau, Backhaus, qui appartiennent à la légende de l’interprétation.

Quels sont vos projets ?

T. de W. : Je m’apprête à donner la Première Année de Pèlerinage de Liszt pour un concert-lecture qui aura lieu à La Roche-sur-Yon (le 17 avril) en compagnie d’Emmanuel Reibel et j’ai de nombreux concerts en préparation(2) y compris avec des compositeurs contemporains comme Thierry Escaich ou Jean-Frédéric Neuburger. Mon répertoire comporte les premières sonates pour piano de Beethoven et je compte bien poursuivre cette exploration avec l’ambition de jouer les trente-deux Sonates en public dans les années futures.

Propos recueillis par Michel Le Naour le 18 janvier 2018

ResMusica critique CD Patrice Imbaud

Tanguy de Williencourt, du drame wagnérien au récital lisztien

Les Clefs Resmusica

Tanguy de Williencourt

Le par Patrice Imbaud

Pour son premier album solo, n’a pas choisi la facilité, en décidant d’enregistrer l’intégrale des quinze transcriptions que Liszt écrivit pour le piano à partir des opéras de Wagner. Pari audacieux, mais pari réussi, avec ce double CD qui nous permet d’apprécier l’étendue et la variété d’un talent qui ne cesse de s’affirmer. Un album qui opère la fusion de deux pensées musicales hors du commun, et où s’affiche la fascination exercée de longue date, par les deux compositeurs, sur le jeune pianiste français.

Le défi de la transcription fut brillamment relevé par Liszt, qui sut, en son temps, tirer du piano une synthèse orchestrale et dramatique, encore enrichie de liberté et d’improvisation. Mais Tanguy de Williencourt n’est pas étranger non plus à cette science, puisqu’il ne dédaigne pas, à l’occasion, d’utiliser de ses propres transcriptions, comme dans le Prélude de Tristan und Isolde qui ouvre cet enregistrement.

Ces quinze transcriptions sont comme autant de moments musicaux différents où Tanguy de Williencourt peut faire montre d’un jeu aussi brillant qu’habité, clair, naturel, sincère et coloré, au service de l’émotion et de la narration. Un jeu varié, confident ou orchestral, capable de suspendre le temps dans le Prélude et la Mort d’Isolde, de se faire solennel dans l’entrée au Walhalla, virtuose dans la Fantaisie de Rienzi, joyeux dans le Chœur des fileuses ou dramatique dans la Ballade de Senta, dépouillé et recueilli dans la Marche solennelle vers le Graal, empreint d’une intense poésie dans l’hymne à la nature de « Am stillen Herd », ou encore rêveur et virginal dans Lohengrin, jubilatoire, sensuel, ou mélancolique dans Tannhäuser.

Un bel album solo de Tanguy de Williencourt. Plus qu’une révélation, une confirmation !

Richard Wagner (1813-1883)-Franz Liszt (1811-1886) : Intégrale des transcriptions des œuvres de Wagner par Liszt.

Tristan et Isolde : Prélude ; la Mort d’Isolde (transcription de Tanguy de Williencourt) ; L’Anneau du Nibelung : Walhalla ; Fantaisie sur des thèmes de Rienzi ; Le Vaisseau Fantôme : Chœur des fileuses ; Ballade de Senta ; Les Maîtres chanteurs de Nuremberg : Am stillen Herd ; Parsifal : La Marche solennelle vers le Saint Graal ; Tannhäuser : Ouverture ; L’entrée des invités à la Wartburg ; Récitatif et romance de l’étoile ; Chœur des pèlerins ; Lohengrin : Le Rêve d’Elsa ; Procession d’Elsa vers la cathédrale ; Fête et Chant nuptial ; L’admonition de Lohengrin envers Elsa. Franz Liszt : Am Grabe Richard Wagners. Richard Wagner : Élégie. Tanguy de Williencourt, piano. 2 CD Mirare MIR 382. Enregistrés du 9 au 22 avril 2016 et du 31 mars au 2 avril 2017 à l’Espace Maurice Fleuret du Conservatoire de Paris. Notice trilingue : français, anglais, allemand.
Durée : 61+67’

« Toute la culture » critique CD Wagner & Liszt

Toute la Culture

Les sorties classiques et lyriques du mois de janvier 2018

28 janvier 2018 Par La Rédaction

La nouvelle année discographique est propulsée par la fraîcheur de nouveaux talents. Beaucoup de pianistes, mais pas que !

tanguy-de-williencourtWagner/Liszt/Williencourt par Tanguy de Williencourt
Publier un double CD avec un répertoire aussi exigeant, qui plus est, pour son premier disque solo, il faut avoir un sacré culot. Heureusement, Tanguy de Williencourt a une audace d’enfer qu’il assume pleinement. Et non seulement il joue magnifiquement bien ces pages virtuoses avec une profondeur épatante, il signe les commentaires détaillés, œuvre par œuvre, pour le livret. Preuve qu’il connaît vraiment ce qu’il joue. Et non satisfait de l’absence de la partition, il transcrit lui-même le Prélude de Tristan et Isolde. Cela atteint au niveau d’un délit parfait par préméditation, tout en conscience… musicale. Et son délit est grave, car il met toute personne qui l’écoute dans un état d’exaltation rare… Si vous aussi voulez connaître une ivresse wagnérienne pianistique, courez chez votre disquaire, dans une web-boutique ou sur votre plateforme numérique préféré (légal, bien sûr).
2 CD Mirare, MIR 382 VO

Goethe Institut, février 2017

Concerts 2016

FEVRIER 2016

  • 5 & 6 février – FOLLE JOURNEE DE NANTES / Concert-lecture avec le conférencier Emmanuel REIBEL  – “Liszt et Marie d’Agoult, une échappée romantique au cœur des Alpes suisses”

MARS 2016

  • Samedi 5 mars – 12h30  / PARIS – Maison de la radio – Emission de Gaëlle Le Gallic –  Trio avec  Léa Hennino, alto,  Bruno Philippe, violoncelle

AVRIL 2016

  • Lundi 4 avril – PARIS/ Automobile Club de France – Duo avec Bruno Philippe
  • Jeudi 28 avril –  PARIS / Petit Palais / Jeunes Talents.org – Duo avec Florian Cafiero, ténor

MAI 2016

  • Dimanche 1er mai  – NICE /  Salon West End  « Piano les grands récitals »  – Récital

JUIN 2016

  • Dimanche 12 juin – LA ROQUE D’ANTHERON / « Pianos en fête » – Récital. Informations
  • Jeudi 23 juin – 20 H – MADRID / « Soirées musicales » à l’Institut Culturel Français de Madrid / Récital. Informations & réservations

JUILLET 2016

  • Mercredi 20 juillet – 12H30 – MONTPELLIER / Festival de France Musique/ Duo avec Bruno Philippe / Retransmission en direct. Informations & réservations
  • Jeudi 21 juillet – PARIS / Archives Nationales/ Festival Jeunes Talents.org. / Quintette avec le Quatuor Akilone. Informations & réservations

AOÛT 2016

  • Mercredi 3 août  – 17 H – PRADES  (66)/ FESTIVAL PABLO CASALS  – Concert des  « Révélations classiques » de l’ADAMI. Informations & réservations
  • Vendredi 12 août / SAINT-MARTIN-AUX-BUNEAUX (Normandie) – Duo avec le baryton Benjamin Mayenobe

SEPTEMBRE 2016

  • 2, 6, 9 et 10 septembre – LAGRASSE (Aude) / Festival de Musique de chambre (créé par Adam Laloum) – Informations & Réservations
  • Samedi 17 septembre à 17 H – PARIS / Salle Byzantine de l’Ambassade de Roumanie (Hôtel de Béhague) – Récital – InformationsDimanche 18 septembre à 16 H – Parc Floral de VINCENNES (94) / Festival Classique au vert – Concertos pour 3 et 4 pianos de J.S. Bach, avec Sebastian Ene, Sélim Mazari, Pierre-Yves Hodique – Informations
  • Lundi 19 septembre à 19 H– PARIS / FRANCE MUSIQUE Enregistrement public pour l’émission  « Génération Jeunes Interprètes »  (par Gaëlle Le Gallic) au studio 106 de la Maison de la Radio.
  • Samedi 24 septembre de 14 H à 16 H : FRANCE MUSIQUE / « Génération Jeunes Interprètes »  par Gaëlle Le Gallic

OCTOBRE 2016

  • Dimanche 2 octobre à 17 H – PARIS  XIème / Atelier « Piano +… » – Récital – Renseignements & réservations
  • Samedi 8 octobre  – Prieuré de Lavaray (37, Touraine) – Duo avec Bruno Philippe
  • Jeudi 13 octobre 2016 – GENEVE / Palais de l’Athénée – Société des Arts – Récital Beethoven Debussy Liszt . Informations & réservations

NOVEMBRE 2016

  • Samedi 19 novembre 2016 – 12H – PARIS / Collège des Bernardins – Concert des Laudes en duo avec Dominique de Williencourt – Informations & réservations
  • Lundi 28 novembre 2016 – PARIS / Salle Adyar – Récital Bach Beethoven Chopin.  Informations & réservations

DECEMBRE 2016

  • Mercredi 7 décembre 2016 à 20 H  – PARIS – Archives Nationales – Série « Piano du Prince » – Récital Bach Beethoven Debussy Neuberger Chopin

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Photo Christophe Grémiot
Photo Christophe Grémiot

Photo L'Oiseleur des Longchamps
Photo L’Oiseleur des Longchamps